Lettre Zola n°2 : Les gens sont-ils assez pauvres ? Dit comme ça, c’est choquant, admet Mathieu Palain dans ce texte. Pourtant, faute de moyens suffisants pour accueillir le nombre grandissant de personnes demandeuses, les Restos du Coeur ont été contraints de revoir les conditions d’accès à leur aide alimentaire. Désormais, ils sélectionnent...
Je descendais au troisième sous-sol du parking de mon immeuble, de la musique dans les oreilles. Je ne me sou- viens plus de la chanson mais je l’écoutais à fond, car en m’installant au volant, puis en enclenchant la marche arrière, je n’ai pas entendu le type dans le coffre qui se réveillait, se redressait et murmurait : « Sorry, sorry. » Il a enjambé la banquette arrière et, très délicatement, il a posé une main sur mon épaule. J’ai hurlé. J’ai arraché mes écouteurs. J’ai croisé son regard dans le rétroviseur et j’ai pensé très vite au tranchant d’une lame qui m’ou- vrirait la gorge. Je me suis jeté à l’extérieur. Le type est sorti à son tour. La minuterie s’est arrêtée. J’ai cherché frénétiquement l’interrupteur en me griffant le dos de la main contre le crépi du mur. Le type n’avait pas bougé. « Sorry mister, sorry. » J’ai vu son visage. Ses yeux. Son corps d’adolescent. Il n’avait pas 20 ans. « What are you doing here ?! » j’ai crié, et, dans ma voix, j’entendais tout ce stress qui n’arrivait pas à retomber. Sans cesser de s’excuser, il m’a expliqué qu’il était sans papiers, qu’il avait réussi à entrer dans ce parking pour s’abriter de la pluie, qu’il avait froid, besoin de dormir, et qu’à force d’essayer une à une toutes les bagnoles il avait fini par trouver refuge dans la mienne, au troisième sous-sol. Je savais qu’il disait vrai. Ma voiture n’était pas verrouillée. C’est une maladie que j’ai :
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